Passerellesans titre, 2006

Prolongeant ses recherches autour de la notion de «territoire», Aline Morvan a investi le balcon de l’appartement. Élément architectural de façade, cette structure est située à la frontière entre espace domestique et espace urbain. Lorsque le balcon donne directement sur la rue, animée des incessants passages automobiles et piétonniers, la limite entre ce qui relève du public et ce qui appartient au privé devient de plus en plus ténue. Cette identification des espaces est également perturbée par le balcon du voisin, réalisé sur le même modèle architectural (ouvrage métallique peint en blanc, constitué de minces barreaux de fer).
Jetant un pont de cordes entre ces deux balcons, Passerelle crée une liaison entre eux. C’est le dessin d’un trait d’union architectural. Visuellement, ce lien agit comme un indice sur l’imaginaire du passant. La simple vue de sa forme fait écho à un univers éloigné du vocabulaire urbain. La structure, dont l’aspect sommaire est assimilable à un «pont de singeh», est couramment utilisée dans la jungle afin de faciliter certains déplacements. Cet outil désormais appréhendé depuis l’espace architecturé de la ville déclenche la quête d’un ailleurs.

Manipulant deux éléments antagonistes, l’artiste s’amuse à en brouiller les fonctions. La projection de la structure du pont contre la façade de l’immeuble dessine une continuité formelle entre les deux balcons. Le lien se fait dès lors physique, suscitant la dangereuse tentation de passer d’un balcon à un autre, d’un environnement privé connu à un espace à découvrir. Cependant, les modestes nœuds liant l’ouvrage en interdisent tout usage. Toute tentative de franchissement serait périlleuse et entraînerait à la fois la destruction du pont et la chute de l’aventurier. L’artiste suscite ainsi un sentiment de frustration chez le regardeur et le contraint à un déplacement fictif, par la seule projection mentale.

sans titre, 2006