Textes Publiés dans La Belle RevueVirginie Thomas et Nicolas De Ribou, 2012

Aïe !

Des confettis ?

Tombés au sol, coupants… sur les épaulesdes noceurs, maintenant blessés. Il s’agissaitde confettis factices en porcelaine.Surprenant. L’objet factice est généralementempreint d’une certaine fragilité, sa vie estéphémère – du moins plus courte que cellede l’original imité le serait. Le confetti,ce projectile inoffensif retrouveraitalors ses origines… l’Italie au temps deses carnavals jetait les dragées, dures. Pastelsmulticolores. Ceux-ci sont passés. 

Le leurre est un dispositif destiné à tromper,il imite la proie, l’appât. 

Un diamant.Postiche. 

Désenchantement par l’artifice.Les confettis font mal et les diamants sont LED. 

***

– De la lumière.
– Ténue?
– Non
– Où?
– Au
-devant. Je m’approche.
– Y es-tu?
– Presque.
– Que vois-tu?
– Je n’y vois plus. Un éblouissement, blanc. L’éclatest intense. Vertige.
– De la neige ?
– Semblable. Une page blanche à l’horizon non défini.- Vierge?
– Mes pas inscrivent une présence dans la matière.
Poudre légère, impalpable, voletant à chaque avancée.Soudain, un bruit sourd. De la pluie. Le sol semble sedérober sous mes pieds. Terrain meuble où l’eause mélange aux particules. Une pâte. Mouvante.S’élève maintenant un ensemble de blocs aux plansinclinés. Des toits. Une agglomération.

***

Lignes enchevêtrées : en-dessous, au-dessus,en-dessous, au-dessus… Tenir la cadence.Un travail laborieux s’annonce là. 

Puis quelques pas de recul pour découvrir deuxaplats monochromes. Deux, trois coups de rouleausuffiraient pour construire cette abstractiongéométrique, dirait-on. 

Nous aurions alors affaire à de la broderie picturale.

***

 – Une ligne se dessine. Elle étire son trait. Quelquesgouttes d’encre noire sur du linoléum. Je la suis. Droite.Tout droit. Gauche. Droite. La ligne se divise pourmieux se multiplier. Où suis-je? Prendre de la hauteur.Me situer. J’ai besoin de prendre de la hauteur.Un léger vent m’emporte. Prendre l’air est aussi bien.Je retrouve les lignes. Bientôt elles se figent. Je lesapprécie d’en haut. J’observe leur dessin. Une carte.Une ville. Je redescends sur terre. Où suis-je?
– Vous êtes ici.

***

Sculpter un corps. Dessiner les courbes d’un muscle. L’assiduité et la rigueur sont nécessaires, toujours. Utiliser un matériel pensé à cet effet. Lourd, massif, résistant, robuste, rude.

L’objet glisse de la main ouverte subitement, par harassement. Il se brise. Transparence. Fragilité. Préciosité.

Un haltère qu’il ne faudrait surtout pas lâcher, telle une grenade désamorcée.

***

– Un grondement. Puis un deuxième. Une série d’explosions. Puis le silence. Pesant. Des petits bruissements se font désormais entendre. La peur. Sueurs froides.
– Les bâtiments autour de moi semblent disparaître.
Brouillard. Les particules se dissipent. Le soleil pointe. La ville réapparaît. Un nuage passe, elle s’efface. Mirage. L’image est plane et se fond.
– J’effleure les murs, de la poussière s’inscrit au bout de mes doigts. Je m’appuie sur le mur, il se brise. Un pas en arrière. Fragilité de l’environnement. Brisures. Fêlures. Cassures. Le plâtre est fin. La construction irrégulière.
– Je me réveille.

***

Micromégas, géant de 32 kilomètres échoué sur Terre, découvre fortuitement, en se baissant pour ramasser, à travers la loupe d’un diamant tombé de son collier cassé, le microbe humain. Avant son départ, il promet aux Hommes de leur laisser un «beau livre de Philosophie qui leur apprendrait des choses admirables, et qui leur montrerait le bon des choses». Mais lorsque les Terriens consultèrent l’ouvrage, quelle ne fut pas leur stupeur de découvrir des pages immaculées,
vierges à leurs yeux du moins.

Ce globe blanc, vierge de ses terres et de ses océans, avant d’être terrestre existe dans un infini plus petit. Un globule blanc?

Commencer par percevoir l’infinitésimal pour tendre vers une appréhension d’un infini mégas.

Focus sur détails.

***

– D’un geste répétitif, j’épluche un bloc de terre. À défaut d’enlever uniquement la couche supérieure, j’épuise la matière première jusqu’à disparition. Un amas de formes se crée à terre. Une sculpture?
– Un ensemble. Chaque élément de terre enfumée se pare d’une robe grise aux reflets argentés. Saisis séparément, ils dévoilent leurs propres identités, les contraintes de l’outil qui les a modelés, leurs aspérités composantes. Figés.

***

Virginie Thomas et Nicolas De Ribou, 2012

Textes Publiés dans La Belle Revue, 2012. Revue d’art contemporain en Centre-France. Pages 88 à 91.
Virginie Thomas et Nicolas De Ribou en dialogue autour du travail d’Aline Morvan. L’artiste à proposé aux deux critiques d’art de construire un texte à deux voix prenant appui sur sa pratique artistique sans l’évoquer directement.

Virginie Thomas et Nicolas De Ribou, 2012